La putain et la Femme Sacrée
Extraits du spectacle donné à la Galerie La Traversée à Langoiran (33) le 19 novembre 2011
Il y a une quarantaine d’année, je voulais me faire putain. Je promenais un regard aussi méprisant qu’anxieux sur le monde, je ne connaissais aucun des codes pour y vivre, j’étais persuadée de ne rien savoir faire, mon destin était très manifestement dramatique et allez savoir pourquoi tout cela formait un amalgame qui avait l’air de me qualifier pour le poste.
Si on occultait l’homme trop laid, le grossier et peut-être les mots incongrus et tendres qu’il était peut-être en droit d’attendre de moi et que je ne pouvais pas prononcer, putain était tout…ce qu’il me fallait.
A l’époque, j’étais en recherche de sens mais je n’avais aucune considération pour l’amour. Pour moi, l’amour était mort ou malade. Dans le meilleur des cas il n’avait jamais existé. Autant dire qu’embrasser le putanat ne pouvait pas le menacer : Tout ce qu’il risquait, c’était de se voir injecter un peu de signifiance.
Je ne vous dirais pas jusqu’où j’ai été dans ma quête ni combien de temps je l’ai suivi. Je vous dirai juste que derrière la putain, il y avait – et il y a encore – la Femme Sacrée.
La Déesse
Sur le boulevard est une Déesse. Mais pour peu qu’on ne lui accorde qu’un regard distrait, n’apparaît que la vénus dévoyée. Celle que plus personne n’honore et dont le pouvoir et même le charme ont glissé.
Autel puant. Vain sacrifice. Rite évidé. Et la vénus de se déshabiller comme un exhibitionniste dans l’ombre du square.
Il est une Déesse sur le boulevard comme en n’importe quel endroit où se tient une femme que celle-ci ai été ou non profanée.
La vénus peut se vendre à un lobby de l’industrie, mais si vous la cherchez, vous trouverez la Déesse. Elle peut se faire battre par un vilain mari. Jouer les féministes revanchardes. Pratiquer l’infanticide. Récidiver peut-être ? Être niaise. Vulgaire. Politicienne ou bien clocharde.
Mais si vous cherchez la Déesse, alors vous la trouverez.
La Femme sacrée
Vous connaissez une femme ? Une femme ordinaire ?
Oui ? Alors il est plus que probable que vous ayez approché la Femme Sacrée. Et s’il ne devait y avoir qu’un mot pour la raconter cette femme, ce serait lequel ? La vulnérabilité ? La violence ? La sensualité ? La rigueur peut-être ?
Est-ce que vous évoqueriez son intuition, sa fantaisie, son engagement ? Son écoute ? Son audace ? Sa démesure ? Est-ce qu’on imagine seulement toutes les qualités qui peuvent exister ? Est-ce qu’on imagine seulement toutes celles qui se cachent derrière les défauts présumés ?
Peut-être qu’elle est mère cette femme ? Ou qu’elle y a renoncé ? A moins qu’elle ne soit trop jeune ou trop âgée pour l’être ?
Eh bien dans tous les cas, moi je dis que c’est la Femme Sacrée que vous avez approchée. Parce que de toutes les vertus que vous pouvez citer, il n’y en est pas une qui ne soit aussi la sienne. De toutes les expériences conséquentes à sa nature, il n’en est pas une à laquelle elle n’ait accès.
La féminité peut se vivre sur le seul plan biologique – un plan que je vais dire horizontal. Elle peut se vivre aussi depuis une dimension qui elle, relève de l’ontologie. Une dimension au centre de l’être et qui n’est pas l’apanage des femmes.
En cette dimension d’où partent toutes les directions et où toutes les polarités sont représentées est un potentiel énorme que je ne peux faire qu’effleurer.
Depuis ce Féminin Sacré, la femme est féconde, on s’en doutait, mais elle est aussi fécondante. Depuis ce féminin sacré, elle est l’accoucheuse des autres et de leurs projets et elle est l’accouchée.
C’est elle, la mère de toutes les nouvelles valeurs jusque-là en gestation, que le monde doit incarner. C’est par elle que tout ce qui est appelé à grandir est nourrit et c’est elle qui accompagne chacune des mutations de la vie.
Et parce que cette dimension est pleine d’une force aussi contenue que généreusement distribuée, elle est la Vierge en même temps que l’Amante. Sa virginité ne doit rien à une membrane. Elle ne requière pas de renoncement à l’Amante qu’elle est.
La semaine dernière, a été évoqué ici la Femme blessée. Eh bien, depuis cette dimension intacte, non seulement la femme ne saurait subir de blessures mais elle est aussi forcément guérisseuse. Ce n’est là qu’une ébauche vraiment et je vous invite à poursuivre son portrait pour connaitre tout ce que cette femme a à révéler.
Je vous invite à interroger ce féminin sacré pour découvrir tous les trésors qu’il recèle et que chacune et chacun peut s’approprier.
Mais auparavant, j’ai une révélation à faire et je ne sais pas trop comment l’amener.
Peut-être que quitte à jouer les provocatrices, je peux théâtraliser l’annonce ?
Est-ce que je peux avoir quelques secondes de noir ?
Je suis désolée mais je vais devoir vous le dire : La – Femme – Sacrée – est – une -femme – au – foyer.
En fait, elle est même THE femme au foyer par excellence.
Ça veut dire quoi exactement ? Eh bien ça veut dire que du foyer c’est elle la véritable gardienne. Autrement dit que c’est à elle qu’est confié la mission de garder le Feu. La question étant juste de savoir quelle est la nature de ce Feu auquel elle est intégralement dévouée.
Vous aurez peut-être noté que je fais depuis le début les demandes et les réponses, et bien, il se trouve que j’ai une piste à vous proposer.
Ce feu, j’ai très envie de l’appeler… La Force qui Crée les mondes.
Mais on peut aussi lui trouver d’autres noms et si vous préférez, et bien vous pourrez lui donner celui d’Eros…