La Femme Miroir

Une présentation à l’IRTS de Bordeaux

La Femme Miroir est à la fois une résurgence du passé et une œuvre de réconciliation. Crée en 2012 au sein du collectif Nunca Mas à la Galerie La Traversée à Langoiran, pour l’exposition du même nom, elle fut également présentée à l’IRTS de Bordeaux, lors de la journée consacrée à la violence conjugale.

Vous faire « alchimistes » d’un genre nouveau

Je suis l’auteur de la Femme Miroir qu’il vous a été donné d’approcher et que certains d’entre vous auront peut-être eu la curiosité d’interroger. En fait, j’en suis plus exactement l’auteur et le sujet. Peut-être aurez-vous au passage noté comme elle a l’air stupéfiée.

Si vous me demandiez quel est le matériau qui la compose, je vous répondrais que contrairement à ce que l’on pourrait penser, sa matière première d’origine n’est ni le bois, ni la résine, ni le métal, ni encore le verre. Sa matière première d’origine en effet, c’est la peur. Or, il se trouve que la peur est aussi le matériau le plus couramment utilisé pour conclure ou renouveler l’accord que pour vous, j’ai très envie d’évoquer.

Parler d’accord pour aborder la violence conjugale – même en spécifiant qu’il est toxique et qu’il se fait à l’insu des protagonistes – n’est peut-être pas une bonne idée.

Si ça se trouve, je risque de paraître décalé ou de passer un tant soit peu pour une provocatrice. Le fait est que je n’en ai aucune espèce d’idée. Parce que vous vous en serez douté, ce n’est pas un regard de psychologue que je vais partager. Ce n’est pas non plus à proprement parler un « regard d’artiste ». Ce que je vais partager avec vous, c’est un regard d’observateur curieux des lois qui régissent le monde et conscient d’avoir été l’auteur de sa vie. Autant le dire tout de suite : si je me sens et me sais légitime, c’est que j’ai longtemps été concerné intimement par le sujet.

L’auteur des violences – au passage, puis-je inviter celui-là, puisque nous sommes tous auteurs, à mettre sa créativité ailleurs – que j’appellerai pour l’occasion l’abuseur, peut être le mari. Il l’est souvent. Il peut être l’amant. Quelqu’un de la famille. Un voisin. Il peut être aussi un parfait étranger.

L’abus, lui peut durer toute une vie. Quelques années ou quelques mois. Quelques jours ou quelques heures. Quelques longues minutes peut-être ? Mais ce que je crois, c’est que dans tous les cas, il aura fallu qu’un accord – d’un tout autre genre que celui validé en mairie – soit conclu entre les deux protagonistes.

Et peut-être le moment est-il venu plutôt que d’accord, de parler de fréquence. Et dire qu’il aura fallu qu’une certaine fréquence soit émise par l’un et capté par l’autre.

La conviction qu’a l’abusée de ne pas mériter le bonheur est une fréquence. La croyance qu’il n’y a pas d’autre alternative possible – ce que le cas échéant l’accord en mairie pourra justifier en est une également. La peur qu’on irradie autour de soi en est encore une autre.

En même temps, cette peur n’a pas besoin d’être aigüe et franche. Elle peut-être chronique ou larvée. Diffuse. On peut l’oublier alors même que l’on y est enfermée.

En fait, la peur est aussi une des matières premières de ce que je vais appeler l’enfer.

L’enfer, ce n’est pas les autres contrairement à ce que d’aucun on put penser.

L’univers, on le découvre en physique quantique est comme une vaste marmite où bouillonnent tous les possibles. Eh bien, voyez-vous, l’enfer, c’est exactement le contraire. Alors qu’il n’est qu’une potentialité parmi un nombre quasi infini d’autres, il voudrait nous faire croire en sa couleur définitive. Dans la langue des oiseaux qui permet de capter la puissance symbolique des mots, on dira que l’enfer-me-ment.

Depuis cet espace trompeur- les propos de celui qui aimerait probablement m’aider, – un travailleur social par exemple ? – n’auront peut-être à mon oreille aucune pertinence.

Dans le meilleur des cas, l’autre ne sait pas. Il ne peut pas savoir. Il n’est pas enfermé. Dans le pire je ne l’entends pas. Depuis mon enfer, j’ai forcément dû croiser plus d’une personne désireuse de venir à mon secours et pourtant il n’en est qu’une dont j’ai gardé le souvenir.

Une seule a semé en moi un germe que je n’ai pas rejeté. Une seule m’a fait le cadeau précieux de reconnaître en moi simultanément le meilleur et le pire. Autrement dit le plomb et l’or.

Vouloir contraindre quelqu’un à découvrir ses qualités, ou la solution à son problème, quand cette personne est totalement dévouée à la réalité qui l’empoisonne, c’est comme lui demander de renoncer à sa seule richesse. Le plomb en elle se sent menacé.

A l’opposé, si je ne suis reconnue que dans ma plainte, ce sera la partie OR même si elle n’a pas été identifiée qui alors se mettra à réclamer.

 

Vous l’aurez probablement compris, ce regard de femme et d’artiste que j’évoquais tout à l’heure est probablement aussi celui de l’alchimiste. On l’est tous à plusieurs niveaux, pourvu que l’on sache reconnaître la double polarité en toutes choses avant même que de savoir convertir. Sauf que votre position à vous est particulière. Elle est privilégiée.

Même si elle a renoncé à tout, la personne que vous aurez peut-être en face de vous, ne pourra pas s’empêcher d’attendre.

Bien sûr, elle attendra probablement une aide matérielle que vous pourrez ou non lui fournir, mais ce qu’elle attendra plus que tout, c’est la formule magique capable de la révéler à elle-même.

Que vous soyez à même de la lui donner ou non, je crois qu’il faut garder à l’esprit que cette formule existe et qu’elle est donc en droit de l’espérer.