Rose

 

J’ai beau aimer le rose, je ne saurais l’aimer à n’importe quel prix et ceux qui me connaissent savent à quel point le marketing des grandes causes et toute l’industrie de la générosité m’insupportent, quel que soit l’emballage dont on les a affublés. L’homme, au sens générique, n’est pas seulement crédule.

Il est naturellement dévoué, magnanime et prodigue, aussi ces qualités ont-elles tout loisir d’être systématiquement exploitées.

 

 

 

Chaque année, c’est la même chose. Chaque année, un grand nombre d’individus s’approprient la cause et courent s’engouffrer dans cette arnaque avec une ferveur non feinte, au propre comme au figuré. Même, ô mystère, celles et ceux qui avaient pourtant échappé aux précédentes et dénonçaient avec force les manœuvres frauduleuses des mêmes labos, se laissent prendre à ce mirage automnal. Chaque année, la même loterie a lieu dont les femmes sortent statistiquement perdantes.

Le but avoué ? Lever des fonds auprès d’un maximum de monde et sensibiliser les femmes à des dépistages systématiques, afin de remédier en amont au danger qui les guetterait.

Mais dans les faits, point de cadeau sous le joli ruban de la sororité. Juste une technologie invasive capable de détecter des micro cancers dormants qui jamais ne se seraient réveillés, le tout donnant lieu à des traitements aussi inutiles que nuisibles, voire au final à des mastectomies, une fréquence trop élevée de mammographies augmentant le risque de la chose tellement redoutée.

 

 

 

 

 

Ainsi aboutit-on aux mêmes tragédies individuelles que ladite technologie prétendait vouloir éviter.

Le commerce est rentable, mais ici comme ailleurs, il s’agit d’un sujet par trop tabou. On ne peut pas dire que le dépistage du cancer du sein n’a pour seul bénéfice que d’augmenter les profits de l’industrie éponyme mue par le marché des rescapés avec la complicité du ministère de la ‘santé’. Ni que la formule idoine devrait être que l’on ne survit plus aujourd’hui au cancer lui-même mais à son traitement, sans se faire remonter les bretelles. Ainsi, les laboratoires pharmaceutiques – les mêmes qui se sont fait remarquer ces dernières années – et les industriels, toujours à l’affut d’un bon filon, continuent-il à jouer à ce jeu dont eux seuls ressortent gagnants. De fait, ils continueront sans vergogne, tant que le pot aux roses ne sera pas découvert.

Extrait du « Petit vocabulaire intime à l’usage des endeuillés du monde »
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