Oxymore
N.D.LA : Dans ce Carnet de Bal, l’Oxymore, mot pourtant de genre masculin est féminine
L’Oxymore – ὀξύμωρος – n’a pas besoin d’être présentée, elle n’a pas besoin d’être décrite : il lui suffit d’être là et on est alors saisi par son intelligence ; son impertinente beauté. Son évidente sagesse. Car voilà, elle sait tout ce qu’il est nécessaire de savoir sur le monde et sa nature duelle. Son impertinente sagesse. Son évidente beauté.
Elle sait qu’une chose ne saurait exister sans son contraire et que la juxtaposition de la chose et de l’un de ses éventuels contraires tend à renforcer la chose en question ; à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse, car telle est la valse qui nous renvoie à chacun des deux termes de l’équation comme d’un versant à l’autre d’une rive en un pas qui semble hésiter.
Mais elle ignore tout de cette hésitation et elle l’ignore d’autant plus qu’elle est depuis toujours avertie que cette accentuation, cette mise en relief – et jusqu’à cette valse à laquelle elle ne saurait participer – étaient seulement l’indice que la chose et son contraire étaient appelés à s’épouser. Oui, s’épouser au point d’éclatement d’origine. Oui, s’épouser au point zéro, ce zéro si proche de la lettre O qui s’impose justement comme étant la proue du mot qu’elle incarne.
Ainsi est-ce à la façon d’un navire qu’elle s’avance.
Ooooooo… ! soupirent émerveillés les futurs danseurs groupés en un cercle autour de cette embarcation étrange.
Ooooooo… ! soupire en une extase déférente chacun de ses prétendants. Et la clameur va s’amplifiant.
Oxy… on la devine ancienne, lavée par l’océan, délavée par les pluies, avec des ascendances égyptiennes peut-être, phéniciennes ou grecques, qui participent de son élégance. More : et la musique du mot nous abuse qui voudrait nous faire accroire qu’à sa barre, elle-même pu avoir trépassé, occise par une jalouse rivale, à moins que ce ne fût au cours d’un certain duel qui se serait révélé pour elle fatal.
Pourtant, tout respire en elle et la fatalité, reconnaîtra l’un des prétendants en son temps, n’a jamais existé. La preuve en est qu’elle réclame chaque jour un peu plus encore de la vie.
Oui : « Encore » dit-elle. Davantage. More and more….
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