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Les Contes du Jour Qui Vient
Le monde tel que nous le connaissons et la perception que nous en avons sont en passe de changer : c’est là ce dont viennent témoigner Les Contes du Jour qui Vient. Et n’allez pas croire que la vocation de ces trois histoires puisse être contrariée, au seul prétexte qu’elles relèvent en partie de l’intime. Intimes, certes, elles le sont, tout comme ne peuvent que l’être celles de chacun des écrivains et conteurs que nous sommes. Mais si elles vous concernent pareillement – or c’est bien de cela dont ces histoires cherchent à rendre conte – c’est que ce ne sont pas nos histoires de vie elles-mêmes qui importent mais la façon de les écrire et de les raconter.
N’attendez plus pour changer l’une ; ne tardez pas à ré-inventer l’autre : ne résistez pas au jour qui vient.
![Visuel Extraits Les Contes du Jour Qui Vient 2](http://desmotspourledire.fr/wp-content/uploads/2023/07/Visuel-Extraits-Les-Contes-du-Jour-Qui-Vient-2.jpg)
Quelques extraits
l’Enjeu
– Alors… tu trouves ça comment ? Elle avait fait un geste qui embrassait la voûte au-dessus de nous comme si elle venait d’y ôter un voile et maintenant elle scrutait mon visage. Si c’était là sa toute dernière œuvre, j’espérais bien ne pas risquer de la vexer.
«Je sais pas. C’est magnifique bien sûr, ai-je dû dire prudemment». Mais sûrement étais-je déjà à moitié empêtrée dans le drap qui entretemps venait de retomber. On était restées un court moment comme ça, silencieuses, avant qu’elle ne se tourne à nouveau vers sa création constellée. Alors j’ai ajouté qu’en même temps, je ne pouvais pas m’empêcher de trouver ça vaguement effrayant. Peut-être que le vaguement y contribuerait ?
– D’après toi, ça serait effrayant ? s’est-elle enquise l’air absorbé.
« Eh bien… ai-je alors menti, ce n’est pas exactement ce que j’ai voulu dire ».
Son profil était soucieux. Elle avait l’air de quelqu’un qui s’apprête à révéler quelque chose et cherche pour ce faire les mots les plus appropriés. Du moins l’artiste n’était-elle pas contrariée. Et puis elle s’est tournée vers moi, le visage soudainement illuminé : elle venait de trouver.
– Et qu’est-ce que tu penses de magnifiquement effrayant ? Elle avait vraiment l’air radieux. Un soleil surgissant dans la nuit n’aurait pas fait mieux. Ou encore d’effroyablement magnifique ?
Je l’ai regardée plus intensément encore malgré l’éblouissement et elle a alors repris son air grave tout en hochant la tête. Tout était véritablement contrasté. Le ciel au-dessus sur son chevalet avait l’air de nous surveiller. Peut-être l’œuvre était-elle davantage douée de susceptibilité ?
« Si tu n’y vois pas d’inconvénient, disons que je vais m’en tenir à magnifique-et-en-même-temps-vaguement-effrayant », je me suis entêtée.
– Bien, a-t-elle fait conciliante. Alors je te promets que c’est ça qui te sera donné. Décidément, j’avais un peu de mal à m’habituer.
« Mais quoi ? ai-je voulu savoir. De quoi tu parles ? Qu’est-ce qui va m’être donné ? »
– En fait, j’ignore ce que le ciel recèle pour toi : je ne sais pas à quoi tu penses en le regardant. À la vie peut-être ? À ce que l’on a coutume d’appeler Dieu par commodité ? À l’univers ? Qu’est-ce que j’en sais ? C’est ton histoire. C’est donc toi qui dois savoir ce que tu y mets. Mais si cela t’apparaît magnifique, alors ça sera magnifique et si cela t’apparaît effrayant, tu seras effrayée. Autant dire que ce n’est pas compliqué, a-t-elle prophétisé. Donc ce que je te dis, c’est que ce sera magnifique et effrayant comme tu l’as décrété. À toi de déterminer selon quel pourcentage. À toi de voir dans quelle mesure tu crois que l’effroi n’aura qu’une vague place dans l’histoire que tu vas raconter.
…
L’Enjeu (autre extrait)
– Je vais te révéler plusieurs choses, a-t-elle tout d’abord annoncé.
La première, c’est que toutes les histoires sont vraies. La seule condition à remplir, c’est d’y croire. Alors peu importe ce que Charles Perrault a pu faire au conte. Peu importe qu’il en ait trahi l’esprit ou pas. Tu as cru à son histoire ? Eh bien c’est ta croyance en sa version qui compte. C’est elle qui a le pouvoir de la valider. Autrement dit, tu ne peux pas lui reprocher le fait d’être restée prisonnière du ventre du Loup. Accessoirement, a-t-elle ajouté avec un petit sourire que j’ai jugé malin, je te signale que ce type-là est mort depuis un nombre d’années pour le moins conséquent. Accessoirement, je te rappelle par la même occasion que toi tu es encore vivante. Sérieusement… tu y avais pensé ?
Ainsi n’avait-elle pas vraiment changé : non, l’idée ne m’en avait pas effleurée.
– La seconde, c’est que tous les contes reflètent nos réalités. Autrement formulé, ça signifie qu’ils cherchent à nous instruire sur qui on est. Alors dis-toi que c’est peut-être pas pour rien si c’est cette version-là et pas une autre qui est arrivée jusqu’à toi. Enfin et crois-moi, ce n’est pas la moindre, c’est que l’on récapitule tous les personnages qui s’y trouvent : dans chacun tu es le héros, que son rôle soit tenu par un chevalier, un cordonnier ou une princesse – à moins encore qu’une enfant ingénue ne l’ait décroché. Dans chacun, tu es la fée qui va intervenir – pourvu toujours que tu la reconnaisses. Et bien sûr dans chacun, tu es le roi. Parce que comment il pourrait y avoir une quête si le vœu du roi n’avait pas été au préalable énoncé ? Sauf que le roi à sa manière, eh bien il est parfois un peu farceur et qu’il peut choisir de ne pas se montrer. Puis elle avait marqué un temps d’arrêt : « Enfin pour finir, tu pourras incarner le dragon ou le loup – encore que tu puisses leur préférer une autre embûche. Et de conclure que si d’aventure, je choisissais le puits, il me faudrait orchestrer moi-même ma chute. De toute évidence, elle avait eu accès à mon Jeu de l’Oie personnel.
– Observe un peu le plan du conte et demande-toi qui est perdu et quelle est la forêt. Cherche qui mange qui en toi et aussi à l’occasion qui trahit quoi. Et comment va le roi et quel est son désir. Vois, s’il ne l’aurait pas peut-être lui-même au final un peu oublié.
…
Conte à l’Eau de Rose
On se rencontre au printemps, disais-je et ce printemps-là est particulièrement disert. C’est un printemps volubile dont la tige s’enroule de droite et de gauche et qui empiète ainsi sur le territoire voisin. Un printemps tout aussi bavard que poète et qui se découvre un nombre insensé de choses à dire. Ainsi se rencontre-t-on, avant que de se rencontrer. Autrement dit avant que de se fixer ce premier rendez-vous auquel l’un et l’autre allons-nous rendre. C’est là, pourrais-je dire que la fée intervient. Sauf que contrairement au printemps, la fée joue dans la discrétion. Elle ne fait pas montre de ses pouvoirs. Elle ne sacrifie pas au spectaculaire. Elle ne fait pas dans la démonstration. Le fait est que la fée sait tout ce qu’il faut savoir. Elle connaît mes réserves, mes croyances. Les limites que je me suis fixées. Elle sait que le temps va être notre allié. Aussi m’observe-t-elle, en retrait, en attendant le moment opportun qui viendra forcément puisque lui et moi l’avons à notre insu décidé en accord avec elle. Ainsi va-t-elle me regarder rudoyer l’homme que j’ai rencontré et lui dire que « désolée, ce n’est pas toi : je me suis trompée ». Non pas, je me suis trompée sur toi ; tu n’es pas quelqu’un de bien ou quelque chose de ce genre. Bien au contraire. Tu rassembles exactement tout ce que je peux espérer rencontrer comme qualités, mais en revanche tu ne ressembles en rien à l’amant que j’attendais. Physiquement s’entend. Enfin celui que j’attends, puisque ce que je suis en train de te dire là, c’est que je suis bien décidée à continuer à prospecter. Désolée.
Mais donc la fée est là qui a pris la rencontre en sa jolie main poudrée et me voilà deux jours après, contre toute attente, à nouveau face à mon écran, en train de guetter la venue de cet homme que j’ai cru refuser. Prête à converser avec lui de la vie, de l’Univers et le reste. De perles déjà peut-être ? D’amour générique aussi sûrement – bien que les roses ne soient pas encore arrivées. Et tout cela avec une tension pour le moins évidente dans le bas de mon ventre. Car, oui, contre toute attente, moi et mon ventre sommes portés vers lui irrésistiblement. Et lorsque l’on se sent portée, que peut-on faire d’autre que laisser agir la fée ? Méfions-nous des mots que nous utilisons, car en plus d’être créateurs, ils sont susceptibles de ne pas traduire ce que nous voulons et de nous écarter de notre vérité. Je crois en effet alors être confrontée à ce que je crois être un défaut d’attirance. J’ignore à quel point la formule peut être inappropriée.
Heureusement donc, il y a la fée. C’est elle bien sûr que je n’aurais su prévoir. Elle est maline, elle. Et elle est avisée. Nul besoin de tout lui expliquer. Car si j’ai reconnu un accord d’âme, elle sait elle, qu’il s’agit aussi d’un accord de peau. Accord de peau et d’âme donc. Vous entendez un peu la magie qui se dégage de ces deux mots-là lorsqu’ils sont ensemble ? Comme ils ont plaisir à se rencontrer ? Comme ils s’amusent ? Comme l’âme agit en accointance avec la peau ? Comme l’âme aime avec elle à jouer les muses ? Comme la peau et l’âme inclinent à la narration et à la poésie ?
Je disais donc la fée. Je disais donc que la fée, elle, sait. Elle sait qu’il va me suffire de m’approcher, pour reconnaître cet accord de peau et le réactiver. Car oui ; plus je m’approche et plus l’accord redevient vivant. Plus je m’approche et plus il me faut m’approcher. Plus je m’approche, et plus l’évidence se fait. Plus je m’approche et plus j’oublie les milliers d’années qui nous ont séparés.